Jusqu’en 1982, l’article L. 38 du Code des postes et des Télécommunications autorisait l’administration des télécommunications, le receveur notamment, à suspendre la transmission des télégrammes contraires « aux bonnes mœurs et à l’ordre public ».

Placée pour des raisons de sécurité sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, l’administration des postes et télécommunications pouvait alors refuser de donner suite à un télégramme considéré comme attentatoire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. L’Administration devait alors en référer au Préfet, avec possibilité d’appel devant le ministre compétent.

En clair, était ainsi reconnu au bénéfice de l’Etat un véritable droit de censure sur les contenus véhiculés sur les réseaux, à l’époque, de télécommunications.

C’est en 1982 que, face à ce droit de censure, le Parlement abrogeait ces dispositions législatives, et introduisait de fait le principe de neutralité dans notre droit.

C’est en 1996 que la neutralité apparaissait effectivement dans notre droit positif.

La loi de réglementation des télécommunications de 1996, consacrait cette notion que l’on retrouve aujourd’hui dans des dispositions explicites du Code des postes et Communications Electroniques.

A l’article L. 32-1-II-5 du Code :

« Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent : (…) 5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ; »

Et à l’article L 33-1.1. du même Code :

« (…) L’établissement et l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont soumis au respect de règles portant sur : (…) b) Les conditions de confidentialité et de neutralité au regard des messages transmis et des informations liées aux communications »

Enfin, la partie réglementaire du Code des Postes et des Communications Electroniques est encore plus explicite (article D 98-5) :

« L’opérateur prend les mesures nécessaires pour garantir la neutralité de ses services vis-à-vis du contenu des messages transmis sur son réseau et le secret des correspondances. A cet effet, l’opérateur assure ses services sans discrimination quelle que soit la nature des messages transmis et prend les dispositions utiles pour assurer l’intégrité des messages. L’opérateur est tenu de porter à la connaissance de son personnel les obligations et peines qu’il encourt au titre des dispositions du code pénal, et notamment au titre des articles 226-13, 226-15 et 432-9 relatifs au secret des correspondances. »

Ces dispositions ont permis à France Télécom d’échapper à toutes poursuites judiciaires en responsabilité pendant près de 20 ans à l’époque florissante du Minitel.

Car, plus encore qu’avec Internet, France Télécom était non seulement le transporteur des signaux mais encore sur chaque service, même les messageries « roses » et plus encore, il percevait une partie des recettes générées par ledit service ! Jamais pourtant, le principe de neutralité, pierre angulaire de la liberté d’expression, n’a été remis en cause.

Le principe de neutralité a toujours mis à l’écart France Télécom de tout débat judiciaire, réservant logiquement les poursuites aux seuls éditeurs de ces services, c’est-à-dire ceux qui font le choix des contenus diffusés.

Plus encore, le principe de neutralité des réseaux est protégé par la Loi et toute personne qui l’enfreint est passible de poursuites sur le fondement de la violation du secret des correspondances ou du secret professionnel (1 an de prison et de 15 à 45.000 euros d’amende).

De quoi parle t’on alors aujourd’hui, lorsqu’on réunit des experts pour « réfléchir » à un principe déjà dans la Loi depuis plus de trente ans ?

A moins que l’essentiel était dans l’effet d’annonce.