Dans le monde numérique, l’avatar est généralement créé par le joueur ou l’abonné soit selon des objets mis à disposition par l’éditeur du jeu ou du site (crafting traditionnel) soit selon des outils toujours mis à disposition par l’éditeur mais laissant au joueur ou abonné le soin de créé son avatar (crafting moderne). Ces avatars ont-ils une personnalité juridique ? Le 9 mai 2007, Robin Linden, vice-président de Second Life, rapportait sur son blog le reportage d’une télévision allemande qui montrait des images d’un avatar « ressemblant à un adulte mâle et d’un avatar ressemblant à un enfant » en pleine activité sexuelle. Il précisait que la chaîne de télévision avait dénoncé les faits aux autorités. Devant les agissements manifestes d’un pédophile susceptible d’engager la responsabilité juridique non seulement des protagonistes, mais également de Second Life, ce dernier diligentait immédiatement une enquête qui révélait que les deux avatars appartenaient à un homme de 54 ans et une femme de 27 ans. Aucun mineur n’était donc impliqué. Cette affaire posait dès lors la question de qui aurait été responsable des avatars « pédophiles » dans ce cas ? L’éditeur de 2nd Life ? Leurs maîtres respectifs ? L’avatar lui même ? Personne ? Selon nous, toute responsabilité est sous-tendue par un principe de liberté, voire de libre arbitre. Il ne saurait incomber de responsabilité juridique qu’au seul être vivant disposant du libre arbitre, à savoir l’homme ou la femme qui a créé l’avatar. L’avatar, quant à lui, n’est pas homme. Il lui manque la volonté propre qui caractérise le libre arbitre. Nous répondons donc par la négative à la question de la personnalité juridique propre à l’avatar. Cependant, cette réponse claire ne signifie pas que la cause est entendue à jamais. Le législateur est capable demain de créer de toute pièce un statut juridique propre aux avatars. Il existe déjà en droit quantité « d’être virtuels » à qui le droit reconnaît un statut. C’est le cas des sociétés, sociétés anonymes et autres, qui ne sont pas des êtres faits de chair et de sang. Elles peuvent être propriétaires de biens, employer des salariés, entrer en procès c’est à dire exercer tous les droits d’un individu et même, depuis 2004, elles peuvent en droit français être passibles de poursuites et sanctions pénales allant jusqu’à la peine de mort de la personne morale, c’est à dire sa dissolution prononcée par un tribunal. On peut aussi évoquer le statut des animaux. Certains pays, comme la Suisse, les considère comme des « créations vivantes » à qui on reconnaît des droits et des devoirs. Plus étonnant, on trouve déjà dans la Loi française, la prise en compte de nos avatars. Ainsi, dans les dispositions relatives à la pédophilie, le dernier alinéa de l’article 227-23 du code pénal prévoit que « Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d’une personne dont l’aspect physique est celui d’un mineur, sauf s’il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l’enregistrement de son image ». La jurisprudence a également considéré que la loi du 17 juin 1998, « a étendu l’objet du délit à toutes représentation d’un mineur, les images non réelles représentant un mineur imaginaire, telles que des dessins ou des images résultant de la transformation d’une image réelle, entrent dans les prévisions de ce texte ». Elle a ainsi condamné une société pour avoir diffusé des dessins animés mettant en scène un jeune enfant ayant des relations sexuelles avec des femmes adultes. Comme on le voit donc, la question du statut juridique propre à l’avatar, n’est pas si fantasque que cela et cette prospective est tout à fait envisageable à deux conditions. D’une part, que la pratique des avatars se développe à grande échelle dans les populations, au point de rendre évident la nécessité de créer un statut juridique dans ce domaine, d’autre part, que la démarche ne soit pas vécue comme seulement contraignante mais qu’elle apparaisse comme une clarification des règles d’appropriatation (propriété) et de responsabilité. En conclusion, l’avatar est déjà un objet de droit, avant d’être demain un sujet de droit.