La liberté d’expression est apparue dans son acception moderne, à la fin du XVIIIème Siècle. Cependant, cette liberté est restée longtemps théorique pour l’immense majorité des citoyens. Elle était alors réservée à une minorité de professionnels ou à une élite qui avait accès aux moyens de communication publique d’alors. Aujourd’hui, grâce à Internet, la communication publique nous est facilement accessible et la liberté d’expression est pratiquée chaque minute qui passe par des millions d’individus.

La Loi française a toujours pris le parti de considérer que la parole publique devait être encadrée. Dès 1789 et la déclaration des droits de l’homme et du citoyen – article 11 – la liberté d’expression a été affirmée sous réserve des abus. Les critiques de ce système se demandent si cet encadrement n’a pas aussi pour objectif d’imposer une censure ou auto censure. Ceux-là citent souvent en exemple les Etats-Unis. Ce pays a consacré le Freedom Of Speech à l’article 1er de leur Constitution, même si dans les faits il y a à discuter sur cette affirmation.

Pour ce qui nous concerne, l’encadrement par la Loi, a pour objectif de maintenir une certaine paix sociale. Le libre arbitre de l’homme se caractérise sur trois niveaux :

  • La pensée,
  • La parole
  • L’action.

La première mène à la seconde qui amène à la troisième. Cet ordre est immuable et universel. Il est évident qu’une parole publique qui attise la haine amènera immanquablement à court ou moyen terme une action de haine.

Personnellement, je pense que notre histoire n’est pas celle des Etats-Unis. Que les populations qui habitent nos contrées, ont une histoire, un vécu, une composition, qui n’est pas celle des Américains. Nos valeurs n’étant pas celles du peuple des Etats-Unis, je ne suis donc pas choqué que notre appréhension de la liberté d’expression impose des limites fixées par la Loi.

Dans ce contexte, quelle attitude devons nous avoir face au flot de messages racistes déferlant sur les sites d’information et le Web 2.0 ?

A notre sens, la réaction doit être triple :

  1. – Tout d’abord, aussi difficile soit il, il nous faut accepter que la parole soit aussi accordée à la haine. Il faut résister aux sirènes de ceux qui voudraient, sous le prétexte de l’existence de cette parole mauvaise et ultra minoritaire, mettre fin à cette liberté d’expression trouvée.
  2. – Bien évidemment, la Loi est là pour punir les abus. Mais la Loi ne pourra pas tout. C’est aussi notre responsabilité de citoyens que de respecter la liberté d’expression. La parole est notre bien commun et c’est un bien sacré. Nous devons faire un travail sur nous même pour que cette parole reste dans les limites de la liberté d’expression. Même en colère, caché derrière l’écran de notre ordinateur, nous devons mesurer nos propos, nous maitriser.
  3. – Enfin, face à un message raciste, antisémite ou homophobe, il nous appartient aussi de prendre la parole dans les forums, sur les blogs, partout, pour dire notre dégout de tels propos lorsqu’ils sont exprimés. Cet acte est aussi un acte de défense de la liberté d’expression.

Nous acceptons la confrontation des points de vue, de tous les points de vue, nous acceptons la dispute, raisonnement contre raisonnement, arguments contre arguments, mais nous ne pouvons pas accepter l’anathème, l’incitation à la haine, l’appel au génocide.

La société de l’information a donné à tous la possibilité d’exprimer un point de vue public. Elle nous a donné aussi la responsabilité de citoyen de réagir à un propos public illégal.

A propos de l’injure publique, des vestiaires de l’équipe de France de football jusqu’au sommet de l’Etat en déplacement au salon de l’agriculture, le philosophe Pascal Bruckner dans un article publié dans Le Monde daté du 1er Juillet 2010 conclue ainsi :

« La grossièreté n’est pas qu’un manque d’éducation ou de contrôle sur soi : elle est aussi un symptôme d’échec collectif. »

La liberté d’expression doit être défendue. Elle est peut être plus en danger à terme qu’on ne le pense aujourd’hui. C’est la responsabilité de notre génération. A défaut, les paroles de haine non contredites sonnent déjà notre échec collectif.